Partie 3 L’art grec revisité

Isis

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Isis
Date de création
IIIe- premier tiers du IVe siècle (?)
Matériau
Marbre de Saint-Béat (Haute-Garonne)
Dimensions
H. 186 x l. 74 x P. 40 (cm)
Numéro d’inventaire
Ra 38 (1)

L’Égypte et sa culture étaient à la mode dans l’Empire romain. Si la figure d’Isis est souvent présente sur certains objets du quotidien, elle s’impose néanmoins à Chiragan sous une forme bien plus spectaculaire. Cette sculpture fragmentaire est effectivement la plus grande parmi l’impressionnante moisson de marbres découverts dans la villa. Privée de sa tête, l’œuvre n’en atteint pas moins presque deux mètres de hauteur. Le marbre noir veiné, qui fut extrait dans un filon pyrénéen de Saint-Béat (Haute-Garonne), traduit la couleur symbolique de la déesse. Le manteau sacré bordé d’une frange est un autre signe distinctif M. Malaise, À la découverte d’Harpocrate à travers son historiographie (Mémoire de la Classe des lettres. Collection in 8o, 3e série), Brussels, 2011, p. 471-472.. Surtout, plusieurs pans de celui-ci, ramenés au centre du buste et entre les seins, sont maintenus par un nœud, dit isiaque, rappel du hiéroglyphe ânkh, symbole de vie. Des cavités avaient été réservées afin de loger Isis, Kunsthistorisches Museum Vienne, Gryffindor / Wikimedia Commons CC BY« les pieds, les bras et la tête, probablement taillés dans un marbre blanc, disparus eux aussi ».

Les Ptolémées, maîtres de l’Égypte depuis la fin du IVe siècle avant n. è., donnent à la grande déesse égyptienne une apparence hellénique, suite à l’institution, à Alexandrie, de la triade divine qu’elle forme avec Sarapis et Harpocrate. Isis, associée aux origines de l’Univers et incarnation de la fertilité, des activités humaines, de la justice et des préceptes moraux, est également guérisseuse.

En raison des liens entretenus par les tyrans de Syracuse avec les Ptolémées, son culte est implanté en Sicile grecque orientale, au moins à partir de la fin du IIIe siècle avant n. è. Ce sont, au contraire, des initiatives individuelles, notamment dans le cadre de voyages commerciaux, qui sont à l’origine de la diffusion de la religion isiaque en Méditerranée et dans le monde occidental. En Campanie, à Rome, et probablement ailleurs dans la péninsule italique, la religion d’Isis est établie au IIe siècle avant n. è. Plus encore que la Sicile, c’est probablement Délos, en mer Egée, qui doit être considérée comme le point majeur de cette importation. L’île de la naissance légendaire du dieu Apollon devient alors l’épicentre du commerce des esclaves en Méditerranée orientale et le lieu où s’enrichissent considérablement nombre d’Italiens, hommes d’affaires, banquiers et même artisans, en relation avec ces cultes originaires d’Alexandrie L. Bricault, « Isis, des eaux du Nil à celles de la Méditerranée », A. Laronde, J. Leclant (éd.), 17ème symposium of the Villa Kérylos, Beaulieu-sur-Mer, 20-21 October 2006 (Cahiers de la Villa Kérylos), Paris, 2007, p. 261‑269, p. 265-267 ; L. Bricault, « Isis en Occident », IIème international symposium on Isiac studies, Lyon III, 16-17 May 2002, 2004, p. 549‑550.. Déjà au Ier siècle avant n. è., les cultes isiaques avaient pénétré les autres régions du monde occidental. Vivement combattus par Auguste et Tibère, ils trouvent au contraire en la personne de Caligula un zélé protecteur. Mais on retient en particulier le soutien d’Hadrien, au IIe siècle, dont l’enthousiasme pour l’atmosphère spirituelle égyptisante se confond avec son histoire personnelle et la mort de son amant, Antinoüs.

Dans le domaine numismatique, de très rares émissions représentant les divinités dites isiaques sont frappées à partir de la fin du Ier siècle de notre ère. Mais les dieux du Delta apparaissent bien plus fréquemment sous les Sévères, durant le premier tiers du IIIe siècle. On constate ensuite, à partir de l’époque tétrarchique et l’empereur Dioclétien, que les modestes frappes en laiton à légende VOTA PUBLICA (Voeux publics), distribuées le 3 janvier, sont, pour la première fois, associées aux dieux isiaques. La prodigalité impériale, exprimée par la distribution de ces petits modules aux couches populaires, renvoie aux vœux de prospérité adressés à l’Empire et à ses sujets et intègre donc la déesse démiurge Isis, Sarapis et, à un moindre degré, Harpocrate. Paradoxalement poursuivie durant l’époque des empereurs chrétiens, au IVe siècle, la frappe de ces « monnaies » pourrait en fait témoigner des revendications du courant conservateur et d’une classe aristocratique anti-chrétienne qui, à Rome, davantage qu’un attachement spécifique aux dieux alexandrins, aspirait à une fidélité à l’égard la religion polythéiste ancestrale L. Bricault, « Isis à Rome », J.-P. Montesino (éd.), De Cybèle à Isis, Paris, 2011, p. 137‑151, p. 16..

L’importance accordée aux divinités isiaques de la part des augustes Dioclétien et Maximien Hercule est notamment démontrée par les monnaies de cuivre des Vota publica. Le phénomène pourrait ne pas être étranger à la présence des statues isiaques monumentales de la villa de Chiragan. Le format de ces sculptures, exceptionnel dans un cadre privé, laisse en effet songeur. Si l’on ne peut que difficilement conjecturer l’existence d’un sanctuaire dans l’espace de la demeure, au moins la présence de cette triade renvoie-t-elle sans aucun doute à un attachement particulier, pour l’un des propriétaires du lieu, aux fonctions salvatrice et fécondante de ces dieux alexandrins.

P. Capus

Bibliographie

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  • Cazes et al. 1999 D. Cazes, E. Ugaglia, V. Geneviève, L. Mouysset, J.-C. Arramond, Q. Cazes, Le Musée Saint-Raymond : musée des Antiques de Toulouse, Toulouse-Paris
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  • Roschach 1865 E. Roschach, Catalogue des antiquités et des objets d’art, Toulouse
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    no 38

Pour citer cette notice

Capus P., "Isis", dans Les sculptures de la villa romaine de Chiragan, Toulouse, 2019, en ligne <https://villachiragan.saintraymond.toulouse.fr/ark:/87276/a_ra_38_1>.