Harpocrate
- Date de création
- IIIe-premier tiers du IVe siècle (?)
- Matériau
- Marbre
- Dimensions
- H. 111,5 x l. 43,8 x P. 28 (cm)
- Numéro d’inventaire
- Ra 40
Cette statue est la plus grande représentation d’Harpocrate découverte en France. Le dieu porte une corne d’abondance, symbole de fertilité et de fécondité. Le cou et les jambes ont été reconstitués. Le bras droit n’a pas été complété car la position exacte de la main n’est pas assurée. L’index devait cependant pointer devant la bouche, symbolisant ainsi, pour les Romains, l’appel au silence et évoquant donc la restriction aux seuls initiés des rites liés à Isis P. Matthey, « « Chut ! » Le signe d’Harpocrate et l’invitation au silence », F. Prescendi, Y. Volokhine (éd.), Dans le laboratoire de l’historien des religions : mélanges offerts à Philippe Borgeaud (Religions en perspective), Geneva-Paris, 2011, p. 541‑573, p. 545-546.. Si cette invitation au secret est mentionnée par des sources écrites au Ier siècle de notre ère, le geste était cependant montré, à l’origine, par un hiéroglyphe signifiant « enfant (ou celui qui ne parle pas) ».
La dynastie des Ptolémées, d’origine macédonienne, à la tête de l’Égypte depuis la fin du IVe siècle avant n. è., a notamment institué à Alexandrie, sa capitale, une triade divine constituée d’Isis, de Sarapis et d’Harpocrate. Sous une forme désormais hellénisée, ce dernier renvoyait à Horus, dieu-faucon ancestral égyptien, fils posthume d’Osiris, enfanté par Isis. Horus prenait le nom, dans l’Égypte pharaonique, d’Hor-pakhered, lorsqu’il était représenté et vénéré sous la forme d’un enfant, désignation à l’origine du nom grec de la divinité. C’est donc bien cet aspect juvénile qui est conservé à l’époque hellénistique, et encore durant la période romaine. La corne d’abondance sous-tend, dans ce contexte, la notion de l’enfantement. Le dieu était étroitement lié au soleil naissant. Ainsi, dans le monde grec oriental, comme dans la Rome contemporaine des derniers temps de la République, le rapport d’Harpocrate au soleil fut renforcé par son assimilation à Apollon.
Assez peu mentionné dans les inscriptions, le fils d’Isis fut au contraire abondamment représenté sur les lampes, les pierres dures, dans le bronze ou la terre cuite, à partir du IIe siècle. Harpocrate devient alors une divinité protectrice des demeures, particulièrement populaire au sein des couches modestes. Posture, gestuelle et attributs de la sculpture de Chiragan se retrouvent sur certaines monnaies provinciales, frappées à Alexandrie, sous Trajan. On distingue les mêmes caractéristiques sur des émissions d’Asie Mineure, au IIIe siècle, frappées dans la province de Lycie-Pamphilie, pour Maximin césar, fils de l’empereur Maximin le Thrace (235-238), ou encore dans celle de Bithynie, à l’effigie de Trajan Dèce et même de sa femme, Etruscilla, au milieu du siècle. L’impératrice y est associée à une figure d’Harpocrate qui renvoyait sans doute aux enfants du couple et, par conséquent, au devenir de la Maison impériale M. Amandry, A. Burnett, Roman Provincial Coinage , Vol. III : Nerva, Trajan and Hadrian (AD 96-138), London-Paris, 2015, 4183. A. Hostein, J. Mairat, Roman Provincial Coinage, Vol. IX : From Trajan Decius to Uranius Antonius (AD, London-Paris, 2016, no 282. . Si un portrait d’Etruscilla fut découvert à Chiragan (il compte parmi les plus imposantes images féminines connues pour toute la période romaine), aucun indice ne nous permet cependant de le rattacher aux sculptures isiaques de la villa.
P. Capus
Bibliographie
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- Roschach 1865 E. Roschach, Catalogue des antiquités et des objets d’art, Toulouse. no 40
Pour citer cette notice
Capus P., "Harpocrate", dans Les sculptures de la villa romaine de Chiragan, Toulouse, 2019, en ligne <https://villachiragan.saintraymond.toulouse.fr/ark:/87276/a_ra_40>.