Masques bachiques
- Matériau
- Marbre
- Numéro d’inventaire
- Ra 36 - Ra 37
Ces têtes, évidées à l’arrière, et destinées à une paroi, doivent être associées, sans aucun doute, à l’ensemble du décor mis en place, dans la demeure, durant l’Antiquité tardive. Plusieurs détails trahissent, en effet, une exécution par le même atelier : les chevelures, en larges mèches, séparées d’un sillon profond exécuté au ciseau ; la terminaison en boucle, profondément forée au trépan et composant un petit cercle parfait ; la similitude de composition de la coiffure au toupet du satyre (7) avec celle d’Eurysthée, dans le grand relief représentant Hercule et le sanglier d’Érymanthe ; les arcades sourcilières arquées, formant un angle aigu ; les pupilles rondes, creusées au foret ; l’évidement pratiqué entre les lèvres, par conséquent entrouvertes, générant un canal sinueux. Il suffit de comparer minutieusement certaines de ces physionomies avec les représentations d’Hercule (la tête isolée nue du héros, celle visible sur le relief de l’hydre de Lerne, celle encore du panneau au sanglier d’Érymanthe) pour constater la cohérence formelle et propre à cet atelier, proche des formules mises en œuvre dans certains centres d’Asie Mineure. Il faut enfin évoquer le matériau qui fut employé pour cette série originale ; il fut récemment confirmé par les analyses de la majorité des sculptures découvertes dans la villa. À l’instar des Travaux d’Hercule, des masques de théâtre, des médaillons des dieux, des portraits de Maximien et des siens et, enfin, d’une importante suite de représentations mythologiques de petit et moyen format, ces têtes dites « bachiques » ont été taillées dans du marbre de Saint-Béat.
On y reconnaît un silène [1], deux Horae (Saisons) ou peut-être ménades [2, 4], un Bacchus enfant (?) [3], un Pan [5] et deux satyres [6, 7]. Ces têtes de marbre sont parfaitement imaginables sur le mur d’une salle de banquet. Une mosaïque de Volubilis, notamment, décorant le sol du triclinium de la maison « des Travaux d’Hercule », réunit, entre autres, les Saisons aux épreuves du héros gréco-romain L.I.M.C., Lexicon Iconographicum Mythologiae Classicae. V. 1, Herakles - Kenchrias, Zürich ; Munich, 1990, Horai/Horae 168.. Doit-on imaginer un tel rapprochement — marmoréen cette fois-ci — dans un même espace à Chiragan ? L’association de ces demi-dieux est une référence à l’univers de Bacchus (le Dionysos grec). La succession des Saisons symbolise l’éternité et le renouveau permanent, ce que promet également le dieu. Ces Horae pourraient être, ici, l’été, couronné d’épis, et le printemps, couronné de boutons de fleur. Ces filles de Zeus et de Thémis (déesse de la justice) ne sont donc en rien contradictoires avec l’univers dionysiaque (ou bachique), au contraire, puisque la mythologie a, par ailleurs, fait de ces gardiennes de l’Olympe, les nourrices du petit Bacchus/Dionysos Nonnos de Panopolis, Dionysiaques, 450apr. J.-C., IX, 11..
P. Capus
Bibliographie
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- Du Mège 1814 A. Du Mège, Monumens religieux des Volces-Tectosages, des Garumni et des Convenae, ou Fragmens de l’archaeologie pyrénéenne et recherches sur les antiquités du département de la Haute-Garonne, Toulouse. p. 262-263, pl. III, no 1
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- Guillevic, Dupuy, Cazes 1989 J.-C. Guillevic, P. Dupuy, D. Cazes, Toulouse et l’Antiquité retrouvée au XVIIIe siècle. Exhibition, Musée Saint-Raymond, toulouse, 8 June - 27 August 1989, Toulouse. no 2
- Joulin 1901 L. Joulin, Les établissements gallo-romains de la plaine de Martres-Tolosane, Paris. p. 8 et 92-93, pl. VII, 63 A à 70 A
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- Rachou 1912 H. Rachou, Catalogue des collections de sculpture et d’épigraphie du musée de Toulouse, Toulouse. no 37
- Roschach 1892 E. Roschach, Catalogue des musées archéologiques de la ville de Toulouse : Musée des Augustins, Musée Saint-Raymond, Toulouse. no 37
Pour citer cette notice
Capus P., "Masques bachiques", dans Les sculptures de la villa romaine de Chiragan, Toulouse, 2019, en ligne <https://villachiragan.saintraymond.toulouse.fr/ark:/87276/a_ra_36_ra_37>.