Partie 1 Introduction

Piédouche d’un buste disparu

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Piédouche d’un buste disparu
Date de création
IIIe siècle
Matériau
Marbre lychnites (île de Paros)
Dimensions
H. 19,5 x l. 23 x P. 20 (cm)
Numéro d’inventaire
Ra 178

De même que pour l’essentiel des villae, le problème de l’identité des maîtres de Chiragan semble inextricable. En outre, on ne peut réduire un tel domaine, dont l’activité s’échelonne sur plusieurs siècles, à un seul type de propriétaire. Davantage que les remaniements, agrandissements et restructurations architecturales, c’est surtout l’impressionnante quantité de portraits, dont une série notable de probables hauts fonctionnaires, qui a permis d’avancer l’hypothèse d’une résidence de gouverneur de province. En outre, et en raison même de la somptueuse parure de marbre qui fut associée à cette architecture imposante, une fonction de résidence impériale a toujours été plus ou moins soupçonnée.

À qui appartenait cette extraordinaire collection de sculptures ? Les liens avec l’Italie sont bien entendu très puissamment inscrits dans ce rassemblement, en particulier les portraits. La majorité, impériaux comme anonymes, peuvent être directement reliés à des ateliers romains. Aujourd’hui mêlée aux effigies impériales, l’importante série des anonymes remonte pour sa part aux époques antonine et sévérienne. Elle concerne très probablement des personnages qui dépendaient de l’ordre équestre et représentaient d’importants acteurs de la vie fiscale et administrative romaine. Parmi ces inconnus, certains faciès sembleraient avoir été reproduits ailleurs, dans l’Occident romain. La présence simultanée de portraits similaires en différents points de l’Empire pourrait ainsi témoigner des charges de procurateur endossées par un même individu au service de plusieurs provinces M. Bergmann, Chiragan, Aphrodisias, Konstantinopel : zur mythologischen Skulptur der Spätantike (Palilia), Wiesbaden, 1999, p. 30, 42-43 ; J.-C. Balty, D. Cazes, E. Rosso, Les portraits romains, 1 : Le siècle des Antonins, 1.2 (Sculptures antiques de Chiragan (Martres-Tolosane), Toulouse, 2012, p. 268-269..

Bien malheureusement, nous devons nous contenter, pour la villa de Chiragan, d’une seule inscription, celle qui fut gravée sur ce piédouche (base), aujourd’hui privé de son buste, découvert à l’ouest de la grande cour méridionale, au niveau d’une série de pièces, bordées par un cryptoportique. On y lit GENIO C. ACONI TAURI VET. ainsi traduit : « Au génie d’Aconius Taurus » O. Hirschfeld, CIL Corpus inscriptionum latinarum, XIII, Inscriptiones trium Galliarum et Germaniarum latinae, I-1, Inscriptiones Aquitaniae et Lugdunensis, Berlin, 1899, 11007.. Le nom propre d’Aconius (gentilice) est placé, comme il se doit, entre le prénom (praenomen) Gaius, abrégé en C., et le surnom (cognomen), Taurus H. Graillot, « La villa romaine de Martres-Tolosane, villa Aconiana », Annales du Midi, 20, 1908, p. 20‑77, 17 p., en partic. p. 14-15.. Si ce document épigraphique est loin de répondre à toutes les interrogations relatives aux propriétaires ou aux gestionnaires du domaine foncier, il représente cependant un expédient non négligeable en ouvrant la voie à quelques hypothèses. L’inscription, incomplète, dont la forme des lettres ne serait pas antérieure au IIe siècle W. Eck, « Sugli Aconii e sul loro legame con Roma », S. Ensoli, E. La Rocca (éd.), Aurea Roma : dalla città pagana alla città cristiana. Mostra. Palazzo delle esposizioni, Roma, 22 dicembre 2000-20 aprile 2001, Rome, 2000, p. 172‑173, p. 172 ; M. Bergmann, Chiragan, Aphrodisias, Konstantinopel : zur mythologischen Skulptur der Spätantike (Palilia), Wiesbaden, 1999, p. 43., est donc dédiée au genius (le double surnaturel) de Gaius Aconius Taurus. On connaît deux familles différentes d’Aconii, à la fin du IIIe siècle, en Italie. L’une d’entre elles était installée à Pérouse, où fut retrouvé un portrait privé, rapproché de l’une des effigies de Chiragan L.M. Stirling, The Learned Collector : Mythological Statuettes and Classical Taste in Late Antique Gaul, Ann Arbor, 2005, p. 63.. Un sénateur nommé Aco Catullinus est également attesté à Rome au début du IVe siècle.

Le nom d’Aconius réapparaît à Rome à la fin du IVe-début du Ve siècle ; l’un des membres parmi les plus connus de la famille est Aconia, femme de Vettius Agorius Praetextatus. L’attachement des époux au paganisme était notoire, comme leur fidélité à de nombreux cultes à mystères L.M. Stirling, The Learned Collector : Mythological Statuettes and Classical Taste in Late Antique Gaul, Ann Arbor, 2005, p. 62.. Mais les preuves seraient insuffisantes pour relier une dédicace de statue de Gaule méridionale, peut-être datable du IIe siècle de n. è., à des noms, certes identiques, mais répertoriés bien plus tardivement, à Rome et en Italie W. Eck, « Sugli Aconii e sul loro legame con Roma », S. Ensoli, E. La Rocca (éd.), Aurea Roma : dalla città pagana alla città cristiana. Mostra. Palazzo delle esposizioni, Roma, 22 dicembre 2000-20 aprile 2001, Rome, 2000, p. 172‑173, p. 172-173.. On ne doit cependant pas oublier qu’au XVIIe siècle, le site des ruines de Chiragan était localement appelé Angonia, du nom de la villa Aconiaca, éventuel souvenir de l’un des propriétaires du domaine. Ce portrait, dont ne subsiste que la base inscrite, était-il donc celui de l’un de ces hauts fonctionnaires, propriétaires ou gestionnaires du domaine ?

Pascal Capus

Bibliographie

  • Cazes et al. 1999 D. Cazes, E. Ugaglia, V. Geneviève, L. Mouysset, J.-C. Arramond, Q. Cazes, Le Musée Saint-Raymond : musée des Antiques de Toulouse, Toulouse-Paris
    .
    p. 75
  • Ensoli, La Rocca 2000 S. Ensoli, E. La Rocca (éd.), Aurea Roma : dalla città pagana alla città cristiana. Mostra, Palazzo delle esposizioni, Roma, 22 dicembre 2000-20 aprile 2001, Rome
    .
    p. 172-173
  • Graillot 1908 H. Graillot, « La villa romaine de Martres-Tolosane, villa Aconiana », Annales du Midi, 20, p. 20‑77, 17 p.
    p. 12-15
  • Hirschfeld 1899 O. Hirschfeld, CIL Corpus inscriptionum latinarum, XIII, Inscriptiones trium Galliarum et Germaniarum latinae, I-1, Inscriptiones Aquitaniae et Lugdunensis, Berlin
    .
    no 11007
  • Joulin 1901 L. Joulin, Les établissements gallo-romains de la plaine de Martres-Tolosane, Paris
    .
    p. 293-294, 341, pl. XXIV, no 307 E
  • Massendari 2006 J. Massendari, La Haute-Garonne : hormis le Comminges et Toulouse 31/1 (Carte archéologique de la Gaule), Paris
    .
    p. 237, fig. 95
  • Musée Saint-Raymond 1995 Musée Saint-Raymond, Le regard de Rome : portraits romains des musées de Mérida, Toulouse et Tarragona. Exhibition, Mérida, Museo nacional de arte romano ; Toulouse, Musée Saint-Raymond ; Tarragone, Museu nacional arqueològic de Tarragona, 1995, Toulouse
    .
    p. 211

Pour citer cette notice

Capus P., "Piédouche d’un buste disparu", dans Les sculptures de la villa romaine de Chiragan, Toulouse, 2019, en ligne <https://villachiragan.saintraymond.toulouse.fr/ark:/87276/a_ra_178>.