Partie 2 Galerie des portraits

Tête de femme

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Tête de femme
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Tête de femme
Date de création
Époque théodosienne. Vers 375 - 425
Matériau
Marbre de Saint-Béat (Haute-Garonne)
Dimensions
H. 33,5 x l. 30 x P. 30 (cm)
Numéro d’inventaire
Ra 82

Ce portrait féminin se distingue nettement de tous les autres visages qui furent mis au jour à Chiragan. Du reste, et malgré les assertions des conservateurs Ernest Roschach (1865) et Henri Rachou (1912), rien ne nous permet de confirmer que l’œuvre provienne bien de la villa des bords de Garonne.

Le regard, tour à tour sévère et mélancolique selon les angles de vue, impose un profond respect. Les pommettes sont saillantes, à l’image du menton, les yeux cernés, les paupières lourdes et le profil anguleux des arcades sourcilières se prolonge, de manière graphique et géométrique, en un nez long et fin. Les sillons naso-labiaux traduisent un âge avancé, peut-être antérieur à quarante ans D. Cazes, Périple méditerranéen : antiquités d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient au Musée Saint-Raymond, musée des Antiques de Toulouse. Exhibition, Musée Saint-Raymond, Toulouse, 2003, Toulouse, 2003, p. 200.. La coiffure est relativement proche d’un Buste de femme au parchemin, inv. 66.25 Metropolitan museum, Public Domain http://www.metmuseum.org/art/collection/search/468716buste byzantin de jeune femme, conservé au Metropolitan Museum of Art de New York E. Alföldi-Rosenbaum, « Portrait Bust of a Young Lady of the Time of Justinian », Metropolitan Museum Journal, 1, 1968, p. 19‑40, en partic. p. 21, fig. 2-5..

Schématisme et solennité de ce visage altier autorisent une datation tardive. L’œuvre est contemporaine de la séparation de l’Empire romain d’Orient et de l’Empire romain d’Occident, depuis la mort de Théodose I, en 395. Ainsi le règne de cet empereur a-t-il pu servir de repère. Il correspondrait même probablement, à notre avis, à la date la plus haute, le terminus post quem à partir duquel il faudrait situer ce portrait, la date limite la plus basse pouvant se rapporter à la fin du règne de Théodose II, au milieu du Ve siècle. Théodosienne serait bien, par conséquent, l’époque dans laquelle s’inscrit ce visage saisissant. Cependant, et contrairement ce qu’il fut légitime de croire, l’œuvre, qui appartint peut-être à une statue, ne fut conçue ni en Orient ni à Rome dans un atelier oriental mais bien au pied des Pyrénées. Les analyses entreprises par D. Attanasio, M. Bruno et W. Prochaska révèlent en effet que le marbre provient de Saint-Béat (Haute-Garonne). Dans le cas où cette tête proviendrait de Chiragan, cette seule information prouverait non seulement le maintien de l’activité de la villa durant cette époque tardive (une monnaie de l’époque de Théodose et d’Arcadius a par ailleurs été retrouvée sur le site) mais également l’importance de ses propriétaires au service desquels travaillaient des ateliers aguerris.

Un autre document archéologique, récemment mis au jour, doit être tout particulièrement considéré dans le cadre de l’étude de ce portrait d’origine incertaine. Il s’agit d’une tête en calcaire, découverte en 2005 dans le cadre d’une intervention archéologique menée par l’Inrap, aux portes de Toulouse, sur le site du Barricou, à Beauzelle. Elle fut découverte dans les terres de comblement de l’un des puits de la ferme à vocation agro-pastorale F. Veyssière, « L’occupation Antique Du Barricou à Beauzelle (Haute-Garonne) », Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, LXVIII, 2008, p. p. 327.. Le même voile caractéristique circonscrit le visage en formant un bandeau, qui prend ici l’aspect d’un gros boudin, et encadre un visage mûr, aux yeux immenses. L’effigie de la dame de Beauzelle entre dans le champ catégoriel d’une sculpture conventionnellement dite « provinciale ». Si le portrait est ingrat et maladroit, il autorise donc pourtant la prise en considération d’un modèle commun et représente par conséquent un intéressant parallèle. Il témoignerait de la notoriété d’un personnage au service duquel fut mise en place un type de représentation aisément identifiable. Celle qui pour nous, aujourd’hui, est une inconnue devait donc incarner une puissance certaine. L’éminent personnage appartenait-il au milieu impérial?

Il faut rappeler, enfin, qu’une importante production statuaire de petit et moyen format, issue des décombres de la villa, remonterait au IVe siècle voire à la première moitié du siècle suivant. Qu’elle ait été héritée des précédents propriétaires ou d’éventuels aïeux ou encore fraîchement acquise, la sculpture mythologique, passée par le filtre esthétique de l’Orient romain, demeure bien en usage au cœur même du Vee siècle. Ainsi, ce portrait, au cœur d’un tel ensemble, ne serait-il pas aussi isolé que ce que l’on a bien voulu penser.

P. Capus

Bibliographie

  • Alföldi-Rosenbaum 1968 E. Alföldi-Rosenbaum, « Portrait Bust of a Young Lady of the Time of Justinian », Metropolitan Museum Journal, 1, p. 19‑40
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  • Balmelle 2001 C. Balmelle, Les demeures aristocratiques d’Aquitaine : société et culture de l’Antiquité tardive dans le Sud-Ouest de la Gaule (Mémoires 5 – Aquitania, suppl. 10), Bordeaux-Paris
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  • Cazes 2003 D. Cazes, Périple méditerranéen : antiquités d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient au Musée Saint-Raymond, musée des Antiques de Toulouse. Exhibition, Musée Saint-Raymond, Toulouse, 2003, Toulouse
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  • Centre culturel Abbaye de Daoulas 1993 Centre culturel Abbaye de Daoulas, Rome face aux Barbares : 1000 ans pour un empire. Exhibition, Abbaye de Daoulas, 19 June - 26 September 1993, Daoulas
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  • Espérandieu 1908 É. Espérandieu, Recueil général des bas-reliefs de la Gaule romaine, 2. Aquitaine, Paris
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  • Gauzi 1925 F. Gauzi, Au pays d’Oc, Toulouse : images et boniments, Toulouse
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  • Meischner 1991 J. Meischner, « Das Porträt der theodosianischen Epoche, 2. 400 bis 460 n.Chr », Jahrbuch des Deutschen Archäologischen Instituts, 106, p. 385‑407
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  • Musée Saint-Raymond 2011 Musée Saint-Raymond, L’essentiel des collections (Les guides du MSR), Toulouse
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  • Musée Saint-Raymond 2020 Musée Saint-Raymond, Wisigoths : rois de Toulouse. Exhibition, Musée Saint-Raymond, Toulouse, 27 February - 27 December 2020, Toulouse
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  • Mussot-Goulard 1999 R. Mussot-Goulard, Les Goths, Biarritz
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  • Popova-Moroz, Bachvarov 1992 V. Popova-Moroz, I. Bachvarov, « Roman Portraiture from Durostorum and Its Territory », Dacia Revue d’archéologie et d’histoire ancienne, XXXVI
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  • Rachou 1912 H. Rachou, Catalogue des collections de sculpture et d’épigraphie du musée de Toulouse, Toulouse
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  • Roschach 1892 E. Roschach, Catalogue des musées archéologiques de la ville de Toulouse : Musée des Augustins, Musée Saint-Raymond, Toulouse
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  • Stutzinger 1986 D. Stutzinger, « Das Bronzebildnis einer spätantiken Kaiserin aus Balajnac im Museum von Niš », Jahrbuch für Antike und Christentum, 29, p. 146‑165
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  • Veyne 2009 P. Veyne, Die Kunst der Spätantike : Geschichte eines Stilwandels, Stuttgart
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  • Veyssière 2008 F. Veyssière, « L’occupation Antique Du Barricou à Beauzelle (Haute-Garonne) », Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, LXVIII, p. p. 327
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    p. 327

Pour citer cette notice

Capus P., "Tête de femme", dans Les sculptures de la villa romaine de Chiragan, Toulouse, 2019, en ligne <https://villachiragan.saintraymond.toulouse.fr/ark:/87276/a_ra_82>.