Partie 2 Galerie des portraits
Portrait fragmentaire de Caracalla
- Données biographiques
- 188 - 217
Fils de Septime Sévère et Julia Domna, frère de Géta. Empereur de 211 à 217 - Date de création
- 211 - 217
- Type
- « Alleinherrscher »
- Matériau
- Marbre
- Dimensions
- H. 16 x l. 19 x P. 22 (cm)
- Numéro d’inventaire
- 2000.32.1
Bien que ce portrait ne nous soit parvenu qu’à l’état fragmentaire, on distingue encore ce que fut sa qualité dans les moindres détails encore subsistants : barbe, mèches de cheveux, modelé des lèvres, passages de plans subtils autour de l’angle interne de l’œil. Tout dénote le travail de l’un des meilleurs ateliers officiels de Rome. Ceci n’a rien d’étonnant ; en effet, dans le cadre de la série des représentations de l’empereur dépendant de ce type, dit « Alleinherrscher », les « têtes de série », ou « Leitstücke » (les plus proches du prototype créé à l’origine par l’officine impériale, ou « Urbild ») sont aujourd’hui comptées parmi les meilleurs portraits de l’époque. L’artiste qui, à la Cour, fut chargé de créer l’« Urbild », avait réalisé, avec ce modèle, l’un des types les plus impressionnants de l’Antiquité, au point que l’on a pu parler à son égard de « Caracalla Master » S. Wood, Roman Portrait Sculpture, 217-260 A.D. : The Transformation of an Artistic Tradition (Columbia Studies in the Classical Tradition), Leiden, 1986, p. 49.. Le célèbre buste de Michel-Ange évoquant Brutus s’inspirait de ce type tout en métamorphosant ce mouvement de tête brutal qui s’ajoutait à un regard furieux afin de démontrer la fougue du personnage K. Fittschen, « Sul ruolo del ritratto antico nell’arte italiana », Memoria dell’antico nell’arte italiana, 2. I generi e i temi ritrovati, Turin, 1985, p. 381‑412, p. 410-411, fig. 385-390 ; J.-C. Balty, « Universalité du portrait antique », Bulletin de la Classe des Beaux-Arts, 5e série, 68, 1986, p. 286‑352, en partic. p. 324, pl. XI, 3-4..
La facture de l’œuvre de Chiragan a été rapprochée de celle du portrait du musée archéologique de Naples, si renommée : modelé analogue de la bouche - à la lèvre inférieure encore plus courte, mais tout aussi charnue, à Toulouse - et touffes de la barbe qui présentent « le même usage d’un trépan extrêmement fin qui vient en animer souplement les boucles, dont les détails sont simplement incisés » E. Rosso, L’image de l’empereur en Gaule romaine : portraits et inscriptions (Archéologie et histoire de l’art), Paris, 2006, p. 480.. La douceur des passages des plans du visage, le rendu du volume des boucles courtes de la barbe, ici ponctuées d’un coup de foret, se retrouvent également sur une belle tête d’Oslo (ancienne collection Fett), qui appartient au type immédiatement antérieur (« Thronfolgertypus II », ou « deuxième type de la succession ») S. Sande, « Greek and Roman Portraits in Norwegian Collections », Acta ad Archaeologiam et Artium Historiam pertinentia, 10, 1991, p. 101, en partic. no 63 p. 77-78, pl. LXII.. De cet exemplaire d’Oslo à celui de Chiragan, la filiation stylistique est particulièrement claire : Septime Sévère avait artificiellement rattaché sa personne à la dynastie précédente des Antonins, faisant par conséquent de ses deux enfants, Caracalla et Géta, dans leurs premiers portraits, de véritables petits princes antonins. Cependant, tous les arguments qui tentaient de justifier cette filiation se sont petit à petit estompés. Ainsi, à partir des exemplaires de ce « 2e type de la succession », durant les dernières années de règne de l’empereur, les portraits visent essentiellement à mettre en évidence la Concordia Augustorum, la concorde (de façade) entre les Augustes (confirmée sur des revers de monnaies par la légende CONCORDIA AVGVSTORVM ou CONCORDIAE AVGG) F. Leitmeir, « ‘Geta’s Büste kaufe ich nicht’. Neues zur Typologie der Bildnisse der severischen Prinzen Geta und Caracalla », Münchner Jahrb_ur der bildenden Kunst, 57, 2007, p. 10‑16, en partic. p. 15-16 et no 57.. Une mutation profonde s’installe, loin désormais de l’image de l’empereur qui avait été celle du siècle précédent, d’Hadrien à Septime Sévère. La création révolutionnaire du « Caracalla Master » ne fera que concrétiser cette transformation de l’image du souverain. Caracalla est bien le premier des « empereurs militaires » et ce type de portrait, qui rompt si profondément avec la physionomie habituelle des empereurs du IIe siècle, influencera durablement l’iconographie de plusieurs de ses successeurs.
D’après J.-C. Balty 2020, Les Portraits Romains : L’époque des Sévères, Toulouse, p. 146-150.
Bibliographie
Pour citer cette notice
Capus P., "Portrait fragmentaire de Caracalla ", dans Les sculptures de la villa romaine de Chiragan, Toulouse, 2019, en ligne <https://villachiragan.saintraymond.toulouse.fr/ark:/87276/a_2000_32_1>.