Date de création

Fin du II^e siècle

Matériau

Marbre de Göktepe 3 (Turquie)

Dimensions

H. 55,5 x l. 43 x P. 23 (cm)

Numéro d’inventaire

Ra 70

• 8 images
• Wikidata
• Cite

Le buste nu, héroïsé, le paludamentum replié sur l’épaule gauche et maintenu par une fibule ronde en forme de rosace à six pétales, s’inscrit dans une tradition qui remonte aux toutes dernières années du I^e siècle de notre ère et comportait souvent un baudrier passé en oblique sur le torse. Les plus anciens exemples sont, en effet, les deux bustes figurant Domitien de Leipzig (aujourd’hui détruit) et de Toledo (USA) et, au nombre des portraits privés, un buste du Capitole (inv. 678), généralement daté de la fin du règne de Domitien. Le buste toulousain, dont la découpe « en plastron » — sans la moindre indication de départ des bras — ne trouve d’équivalents qu’au tout début du II^e siècle, surprend donc quelque peu à la date qui est la sienne et semble témoigner d’un retour à des formes anciennes qui n’avaient généralement plus cours à ce moment.

Le réalisme si accentué des traits de ce magnifique portrait toulousain est étonnant : la calvitie marquée (avec une petite touffe de cheveux isolée, à l’avant du vertex), l’étagement des plis du front, le froncement des sourcils et le modelé tout à fait extraordinaire de toute la zone de l’œil avec ces « pattes d’oie » (uniquement à l’œil droit) et ces poches sous la paupière inférieure, les plis naso-labiaux prolongés, du côté gauche, par deux plis supplémentaires au départ de la barbe, une certaine dissymétrie aussi de l’expression. La sensibilité accordée au regard, associée au pivotement de la tête vers la droite, semble retranscrire une vie intérieure riche et une grande vitalité intellectuelle. K. Fittschen a souligné la ressemblance entre cette œuvre et un portrait, mais dont le buste est vêtu, conservé au musée Bardini de Florence K. Fittschen, « Ein Bildnis in Privatbesitz. Zum Realismus Römischer Porträts Der Mittleren Und Späteren Prinzipatszeit », Eikones. Studien zum griechischen und römischen Bildnis. Hans Jucker zum sechzigsten Geburtstag gewidmet, 12, 1980, p. 108‑114, en partic. p. 113..

Verra-t-on, dans le buste de Chiragan, le portrait d’un intellectuel ? Froncement des sourcils — comme signe de concentration de l’individu — et calvitie suffisent-ils à le qualifier comme tel ? Le paludamentum replié sur l’épaule gauche renvoie au domaine « militaire », ou, sans doute plus exactement, à ces hauts fonctionnaires de l’Empire dont les charges peuvent être aussi bien militaires qu’administratives. La culture est une des valeurs qui, en cette fin du II^e siècle, confère un réel prestige et favorise l’accès à ces hautes fonctions au sommet de l’État romain : les grands juristes du moment, dont plusieurs firent partie du conseil de l’empereur sous Septime Sévère et Sévère Alexandre et dont certains accédèrent à la préfecture du prétoire, appartiennent, notamment, à cette catégorie de personnes.

D’après J.-C. Balty 2020, Les Portraits Romains : L’époque des Sévères, Toulouse, p. 169-175.