Partie 3 L’art grec revisité

Athéna

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Athéna
Athéna
Athéna
Date de création
IIe siècle
Matériau
Marbre
Dimensions
H. 14,5 x l. 52 x P. 32 (cm)
Numéro d’inventaire
Ra 112

La grande sculpture d’Athéna découverte dans la villa de Chiragan est la reprise de l’une des œuvres connues, au moins par les sources écrites, de Myron d’Éleuthères, artiste actif dans les années 450/440 avant n. è. La déesse, originellement en bronze, était accompagnée d’une autre sculpture, conçue dans le même alliage, représentant un silène, du nom de Marsyas, compagnon du cortège de Dionysos, J. Boardman, Greek Sculpture. The Classical Period : A Handbook, London, 1985, fig. 61-64 ; K. Junker, « Die Athena-Marsyas-Gruppe des Myron auf der Akropolis von Athen », Jahrbuch des deutschen archäologischen Instituts, 117, 2002, p. 127‑183, en partic. p. 130-131, Pl. 1-6 et p. 138-139, Pl. 11-14.. Mi-homme, mi-animal, cet être hirsute, venu de Phrygie, région située au cœur de l’Asie Mineure, a été largement représenté dans l’art grec. Le groupe qu’il formait avec Athéna avait été conçu pour l’Acropole, site le plus hautement religieux d’Athènes. La mise en scène de ces deux êtres mythologiques trouvait peut-être son origine dans la représentation d’une œuvre théâtrale lyrique dédiée à Dionysos, un dithyrambe, écrit par un poète du Ve siècle avant n. è., Mélanippidès. Pausanias, écrivain grec du IIe siècle, décrit, six siècles après sa création, ce duo en bronze dont la notoriété fut telle que de nombreuses variantes furent conçues pour les plus beaux domaines de l’Empire à son époque Pausanias, Périégèse, 2nd century, I, 24, 1..

Cette pétrification dans le marbre, par des ateliers spécialisés dans la copie, reprenait donc avec plus ou moins d’exactitude le moment de l’histoire auquel se référait initialement le bronze de Myron. L’épisode retenu par le sculpteur grec était celui du rejet de l’aulos, la double-flûte, par la sage et lumineuse Athéna qui venait de constater à quel point elle pouvait être défigurée lorsqu’elle soufflait dans cet instrument Plutarque, « De cohibenda ira », \OEuvres Morales, 1st – 2nd century, 6, 456 b.. Marsyas surgissait alors, s’apprêtant à ramasser l’instrument, mais avec circonspection, en raison de l’injonction proférée par la déesse, qui interdisait à quiconque de l’utiliser. Les satyres, c’est bien connu, sont amateurs de musique et Marsyas est lui-même intimement associé aux instruments à vent, aulos ou syrinx (flûte de Pan). Les exercices musicaux nombreux et les efforts que cette créature déploya pour apprivoiser l’objet délaissé par la déesse, conduiront ce compagnon de Dionysos à provoquer Apollon, dieu musicien par excellence, intimement associé à une autre famille d’instruments, celle des cordes. Marsyas en paiera le prix ; à l’issu du concours (agôn) qu’il avait initié, il fut vaincu par la divinité olympienne, protecteur de la poésie, qui le fit pendre à un arbre avant de l’écorcher vif. Ainsi la lyre s’imposa-t-elle sur l’aulos Plutarque, « Symposiaques », \OEuvres Morales, 1st – 2nd century, VII8. 713b..

Le silène du groupe en bronze de Myron est surtout connu par la belle et puissante réplique conservée au Athéna et Marsyas, musées du Vatican, Sailko / Wikimedia Commons CC BYMuseo gregoriano profano du Vatican. Les variantes du Athéna de Myron, inv. 195 musée Liebieghaus, Francfort, Carole Raddato / Wikimedia Commons CC BY-SALiebieghaus de Francfort mais aussi celles du Louvre, du Prado, ou de la collection Lancelotti à Rome montrent une sculpture de type classique mais dont les gestes dynamiques et les attitudes gracieuses rappelant une chorégraphie semblent distinguer Myron de certains de ses contemporains, en premier lieu Phidias. Aucun des nombreux fragments conservés au musée Saint-Raymond ne prouve, cependant, la présence de Marsyas à côté d’Athéna dans la villa de Chiragan.

Si l’on compare la tunique (le péplos) de la déesse à d’autres répliques romaines, on constate une plus grande variété dans le rendu des plis sur l’exemplaire toulousain. Quant à la structure générale de l’œuvre, celle-ci demeure conforme aux autres ouvrages connus et mentionnés précédemment. Athéna maintenait contre sa jambe droite, sur laquelle elle prend appui, la lance, dont il reste un fragment. Son recul, au moment où surgit l’hirsute Marsyas, est souligné par une légère flexion et un pivotement de la jambe gauche. La déesse ordonnait au silène, de son bras gauche tendu, de s’éloigner, lui interdisant de toucher aux flûtes restées à terre. Certes, la statue est aujourd’hui acéphale, mais la tension perceptible au niveau du cou laisse cependant deviner le pivotement de la tête. On distingue enfin, à l’arrière de la nuque, les traces d’un renfort que l’on aurait tort de négliger. Ces étais de marbre pourraient en effet caractériser certains ateliers actifs dans les villes côtières de Pamphylie (Asie Mineure) F. Slavazzi, Italia verius quam provincia : diffusione e funzioni delle copie di sculture greche nella Gallia Narbonensis (Aucnus), Naples, 1996, p. 140.. La statue de Chiragan proviendrait-elle donc de cette région, féconde dans le domaine de la sculpture ?

P. Capus

Bibliographie

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    p. 30-31, fig. 25, p. 182-183

Pour citer cette notice

Capus P., "Athéna", dans Les sculptures de la villa romaine de Chiragan, Toulouse, 2019, en ligne <https://villachiragan.saintraymond.toulouse.fr/ark:/87276/a_ra_112>.